Chroniques

par samuel moreau

Richard Wagner
Die Walküre | La Walkyrie

2 DVD Warner Classics (2005)
2564 62319-2
Richard Wagner | Die Walküre

Première journée du Ring des Nibelugen, Die Wälküre a été achevé en mars 1856. Comme pour Rheingold qui sert de prélude à ce festival scénique, la création aurait lieu au Hoftheater de Munich, le 26 juin 1870, et non encore au Bayreuth Festspielhaus, où nous emmène aujourd'hui cette production, captée efficacement par Horant H. Hohlfeld en juin et juillet 1992. Le projet de film existait d'ailleurs à la base. SelonHarry Kupfer, Hohlfeld a bien compris l'œuvre, ses intentions de mise en scène, et les gros plans sur les visages rendent justice au travail d'expression, pas toujours perceptible de la salle. Pour l'homme de théâtre, un réalisateur doit apprendre à se plier aux lois d'un autre un art, oublier qu'il fait un film, ou alors un documentaire rendant compte au plus près de la réalité.

Kupfer a notamment apprécié qu'on limite au montage le nombre de coupures, qui créent une tension artificielle: « C'est la musique qui permet d'interpréter ce qui se passe sur scène. Et la musique, chez Wagner, justement, se déploie par plans très vastes, requiert un grand calme. Le spectateur souhaite, lorsqu'il regarde un opéra de Wagner, ne pas être dérangé dans son plaisir musical et cette exigence n'est plus garantie en présence d'une pléthore de stimuli optiques – et les coupures en font partie ». Comme on est d'accord !

Sur une étendue désolée, avec un seul rocher à l'avant-scène, Siegmund nous apparaît à bout de souffle, dans une course éperdue qui le mène chez le brutal Hunding. Nous n'avons pas de mal à croire à sa sauvagerie d'errant, ni à sa plainte : « l'orage a brisé mon corps ». Poul Elming est ce Malheureux, au timbre clair, à la voix très projetée, qui pèche cependant par des graves trop légers et une zone de passage au haut médium pas toujours très juste. Face à lui, dans une opposition de mâles trop appuyée, Matthias Hölle est son hôte pour une seule et unique nuit. Ample et sonore, la basse possède un timbre riche, une grande égalité de chant ; son personnage est tranché, nettement caractérisé. Entre eux se trouve Sieglinde, à l'origine d'un échange de regards plein de suspense avec le nouveau venu. Nadine Secunde est remarquable par sa présence et sa franchise de jeu. Son impact vocal est discret par moments, puissamment développé à d'autres. On signalera en particulier un chant bien mené lors du récit de l'apparition de Wotan, dans la troisième scène.

Après un premier acte relativement tendu, le second débute avec une fraîcheur bienvenue. Le jeu entre le père (Wotan) et la fille (Brünnhilde) est bondissant et drôle parfois, notamment par l'utilisation de la lance du Seigneur des batailles, à la fois sceptre, arme, barrière, baguette magique – voir l'apparition soudaine d'un cratère, au centre de la scène. John Tomlinson possède un aigu très corsé, mais son expressivité enthousiasme parfois au détriment de la ligne musicale. Expressive elle aussi, Anne Evans incarne un personnage émouvant et attachant, aux belles nuances vocales. Composant une Fricka intéressante, hiératique et douloureuse, Linda Finnie peine d'abord à se faire entendre, mais une fois chauffée, sa voix s'avère bien travaillée et d'une tessiture étendue. Au troisième acte, elle incarnera aussi Siegrunde, une des neuf Walkyries, lors d'une assemblée assez déséquilibrée, les différents chants se révélant bien inégaux.

À la tête de l'Orchester der Bayreuther Festspiele, Daniel Barenboim livre une lecture expressive, directe, mais souvent sans lyrisme ni souplesse. Sur la récupération de Notung, par exemple, on regrettera le choix d'une exultation spectaculaire, qui étouffe le côté merveilleux rendu par les cordes. De même, les cuivres ne sont pas toujours soignés. La qualité des chanteurs et celle de la mise en scène seront donc à privilégier pour le choix de cette version.

SM